Alice CAR

SCHOOL FOOD IS GOOD FOOD
JACOB
- Nessie, s’il te plaît, ma belle…
- Peut-être que si tu l’appelais autrement que par ce surnom stupide, elle accepterait ce que tu lui offres… fit, derrière mon dos, une voix ô combien désagréable.
Cette voix, j’aurais pu la reconnaître entre mille… Edward Cullen. Sangsue. Que me voulait-il encore ? Dubitatif, je me tournai lentement dans sa direction, ne pouvant masquer un sourcil arqué d’agacement.
- C’est ce qu’elle pense, poursuivit Edward, en affichant une moue malicieuse.
Il mentait, c’était évident, mais comme je ne pouvais pas le vérifier par moi-même, cela l’amusait considérablement.
- Tu n’imagines pas à quel point, concéda le Vampire, avec désinvolture.
- Tais-toi… sifflai-je tout en faisant retomber brusquement dans l’assiette la cuillère que je tenais en main jusqu’ici. A ce que je sache, tu n’as pas su non plus la faire manger, malgré tous tes efforts… Seul Carlisle a réussi.
Edward haussa un sourcil, circonspect. Nous souhaitions autant l’un que l’autre que Nessie ait une vie humaine, normale, mais il était difficile de la lui offrir lorsqu’elle n’y mettait pas du sien. Et le sang humain restait son aliment favori, malgré tous nos efforts.
- Aurais-tu peur de te faire battre par un "chiot" ? ajoutai-je, d’humeur provocatrice.
Touché.
Edward me rejoignit, près de Renesmée, qui nous observait, interloquée.
- Quelles sont les règles à respecter ? s’enquit poliment le jeune homme aux cheveux de bronze, tandis qu’il retroussait déjà ses manches, une lueur de défi brûlant au fin fond de ses prunelles ocres.
BELLA
A mon retour de chasse, une odeur de nourriture humaine se diluait dans l’air. Je pénétrai dans la cuisine, intriguée. Quelle ne fut ma surprise lorsque je découvris Edward et Jacob, tous deux munis d’un tablier, s’affairant autour de Renesmée dans un silence de plomb ! Si l’un coupait des légumes à vitesse vampirique, l’autre – Jacob - épluchait maladroitement ses pommes de terre contre lesquelles il semblait livrer un combat acharné. Les voir tous deux aux fourneaux avait un je-ne-sais-quoi de surréaliste.
- Que se passe-t-il, ici ? m’exclamai-je en retenant un rire, stupéfaite.
Ils ignorèrent ma question qui leur semblait sans doute rhétorique. Le « pshuuut » d’une cocotte-minute fut ma seule réponse. Renesmée leva les yeux au ciel. Je m’approchai alors d’elle pour la prendre dans mes bras. Les petites mains chaudes qui s’étaient d’abord agitées de loin dans ma direction vinrent toucher mes joues, afin de m’expliquer le pourquoi du comment de cette situation.
- Je vois, marmottai-je, quelques instants plus tard.
Edward moulinait déjà ses ingrédients à la main. Jacob, en retard, jeta ses pommes de terre dans la casserole la plus proche.
- Attention, Jake, elle t’attaque ! m’amusai-je, en voyant une pomme de terre lui glisser des doigts.
- Ahahah, très drôle… me morigéna-t-il.
Je haussai les épaules, avant de m’asseoir un peu plus loin : je voulais m’assurer qu’ils ne mettraient pas le feu à la maison. Le reste de notre petite famille les observait, eux aussi, mais ils n’avaient pas osé franchir la porte de la cuisine. Les minutes s’écoulaient lentement.
- J’ai fini, annonça enfin mon époux - sur un ton faussement neutre, dans la mesure où ses yeux lançaient des flammes.
- Moi aussi… Presque... marmotta le Loup, d’une voix moins assurée.
Pressé d’être témoin de la première tentative d’Edward, Jacob me rejoignit en s’essuyant les mains sur son tablier. Lovée dans mes bras, Renesmée scrutait sagement son père d’un intérêt curieux, éveillé.
- Il faut la convaincre par la raison, expliqua le vampire, avec la gravité d’un professeur en pleine démonstration mathématicienne. Tu sais, Renesmée, même si certains aliments possèdent un goût assez fade pour tes papilles gustatives, ces pots pour bébé sont sûrs, ils ne contiennent ni additifs ni pesticides… Sans compter qu’ils répondent aux besoins de ton corps… Ne désires-tu pas avoir une alimentation mieux équilibrée ?
Ses prunelles chocolat étaient emplies d’un scepticisme qui en disait long sur ses intentions.
- Juste une petite bouchée, pour ton père… ? proposa Edward, avant d’avancer vers les lèvres de notre fille la purée de légumes frais qu’il venait de préparer.
Alors qu’il approchait la cuillère, l’enfant, clairement dégoûtée, tourna la tête dans la direction inverse. Bien décidée à esquiver le supplice qu’on lui imposait, Renesmée réfugia sa tête dans mes cheveux. Jacob aboya de rire. J’essayai de ne pas le suivre dans un éclat de rire retentissant qui aurait pu blesser les sentiments d’Edward, mais je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire. Mes oreilles vampiriques perçurent un bruit de billets froissés qui s’échangeaient à la va-vite dans la pièce adjacente. Au même moment, un "tu vois, je te l’avais bien dit" se fit entendre. Cela fit redoubler le rire de mon voisin. Edward conserva son sérieux malgré les circonstances. Ce fut bientôt au tour de Jacob.
- Deuxième round ! annonça une autre voix lointaine, que je reconnus comme étant celle d’Emmett.
Il imita le bruit d’une cloche qui retentissait, comme celle qui annonçait le début des matchs de catch qu’il avait l’habitude de regarder avec ses frères. Nous avions tous les yeux rivés sur Renesmée.
- Nessie… appela le loup, afin d’attirer l’attention de l’enfant.
Elle lui jeta un coup d’œil timide et craquant. Plein d’espoir, Jacob tendit vers elle une cuillère en argent saturée d’une mixture d’apparence visqueuse. Ma fille fit la moue avant de cacher de nouveau son visage. Je ne pouvais pas lui en vouloir, la purée de Jacob ressemblait plus à de la vase qu’à autre chose...
- Nessie, fais "ahhhh" tenta le Loup, avec l’énergie du désespoir.
Edward eut un petit rire moqueur. Le visage de Renesmée, malgré ses traits enfantins, prit une expression blasée et terriblement adulte. Visiblement ennuyée, ses paumes tièdes touchèrent mon visage avec douceur pour me montrer à quel point sa gorge la brûlait ; qu’elle avait soif, et que toute cette nourriture humaine la répugnait, si bien que nous nous retrouvâmes toutes deux à froncer le nez, complices.
- Fin du match ! déclarai-je alors.
- Match nul, précisa Edward, avec un fairplay teinté d’ironie.
La tension qui régnait dans la pièce s’envola d’un seul coup : des billets s’échangèrent de nouveau dans la pièce d’à côté. Jacob avait l’air déçu. Renesmée commença à gigoter dans mes bras, soulagée. Elle cherchait les bras du Loup, et ce dernier s’empressa de répondre à son désir. Je les laissais faire selon leur volonté. Carlisle fit irruption dans la pièce, pour préparer le biberon de sang humain que l’on allait donner à ma fille.
- Il faut faire preuve de patience, peut être que demain… commença le médecin.
Mais il s’interrompit brusquement à l’entente d’un juron suivit d’un "HEY !!!" surpris, émis par Jacob.
- Ne jure pas devant ma fille !!! m’exclamai-je, en faisant volte-face.
Il avait laissé sa main à proximité de la bouche de Renesmée et cette dernière en avait profité pour le mordre à pleines quenottes, mais ce n’était pas une raison valable ! Au même moment, Edward éclata d’un rire plein d’exubérance. Nous le fixâmes, interloqués, ne comprenant qu’à moitié la raison de ce fou rire.
- D’accord, j’ai perdu, concéda le Vampire, avec désinvolture.
- Quoi ?!
Edward, bien que mauvais joueur, riait. Jacob et moi-même nous interrogeâmes du regard ; nous ne comprenions pas son raisonnement : Nessie n’avait mangé aucun des plats qu’ils avaient préparés, comment Edward pouvait-il affirmer que Jacob était sorti vainqueur de ce jeu ? Edward lut les pensées de Jacob, qui reflétaient les miennes.
- A l’instant… Elle vient de penser que l’aliment qu’elle préfère entre tous… c’était toi, Jacob… articula Edward, entre deux éclats de rire.